mercredi 12 janvier 2011

Intelligence économique : poison et antidote mélangés dans un même bocal

Dans mon billet précédent, je faisais état de l'exemple de confusion entre "espionnage industriel" et "intelligence économique" qui nous avait été donné par le ministre de l'industrie le 6 janvier 2011 au micro de Jean-Michel Apathie sur RTL. La FéPIE a également réagi dans un communiqué de presse en dénonçant un mélange entre poison et antidote. Le problème est bien là, dans ce mélange du poison et de l'antidote dans un même bocal étiqueté "intelligence économique".

Il faut en effet noter cette excellente réaction de la FéPIE qui, par la voix de son président Hervé Seveno, relève dans un communiqué à l'AFP la confusion faite par le ministre, précisant que ce dernier se met ainsi dans la posture du médecin qui confond pathologie et soin, poison et antidote.  Hervé Seveno en appelle ainsi au Délégué interministériel à l’intelligence économique (D2IE) afin qu’il sensibilise les membres du gouvernement pour éviter de tels contresens préjudiciables à l’ensemble du secteur économique et industriel, si besoin en rappelant la communication antérieure de la ministre de l’économie madame Christine Lagarde au Conseil des ministres du 8 décembre 2010 sur la "politique publique d’intelligence économique".

J'avais dans un billet précédent salué comme il se doit cette communication de madame Lagarde, en notant qu'elle constituait un premier pas fondamental pour une meilleure compréhension de l'intelligence économique, mais j'ajoutais qu'il restait, à mon sens, un important travail de clarification à faire pour que cette politique publique puisse se traduire dans l'entreprise par une activité et des métiers reconnus s'appuyant sur une discipline universitaire suffisamment structurée. Il faut donc également saluer cette réaction de la FéPIE qui identifie le problème avec acuité en comparant la confusion entre "espionnage industriel" et "intelligence économique" à celle qui pourrait être faite entre entre poison et antidote.

Mais, le problème est effectivement là et bien là ! Si le ministre, qui n'est pas le seul si l'on en juge par les nombreux articles publiés à l'occasion de l'affaire Renault (cf. mon billet précédent), mélange poison et antidote, n'est-ce pas tout simplement parce que les deux sont réunis dans le même bocal étiqueté "intelligence économique" ?

La FéPIE et le D2IE auront beau dire et beau faire, tant que le concept d'intelligence économique, à la fois politique publique, fonction stratégique en entreprise et discipline universitaire n'aura pas été mieux précisé en distinguant avec la plus grande clarté le poison de l'antidote, la confusion demeurera. C'est désormais chose faite pour la politique publique avec la communication récente de Christine Lagarde, qui distingue trois grands axes délimitant ainsi différents bocaux dans lesquels poison et antidote ne peuvent être réunis : veille stratégique au profit de l'économie, soutien à la compétitivité de l'économie (recherche publique, influence, aide aux exportations), sécurité économique. Sa traduction dans le domaine privé en entreprise, mais également et surtout son volet universitaire qui est fondamental doivent maintenant s'en inspirer pour délimiter les différents métiers mis en jeu dans l'entreprise et les disciplines universitaires correspondantes, sans omettre d'en écarter tout ce qui relève du domaine régalien, et évitant ainsi de réunir dans le même bocal poison et antidote.

FB

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